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NOMAD, à bord d'ExoMars, dévoile ses premiers secrets

2019-04-10

Le 10 avril 2019, la prestigieuse revue Nature publie deux articles décrivant les premiers résultats de l'instrument belge NOMAD à bord d'ExoMars Trace Gas Orbiter. De nouvelles preuves de l'impact de la récente tempête de poussière sur l'eau présente dans l'atmosphère, y compris les premières mesures verticales d'une eau semi-lourde sur Mars et une absence surprenante de méthane, sont parmi les faits scientifiques marquants de la première année d'ExoMars Trace Gas Orbiter en orbite autour de la planète. La responsable principale de la recherche de l'instrument NOMAD, Ann Carine Vandaele de l'Institut royal d'Aéronomie Spatiale de Belgique, se réjouit de ces résultats.

Issu d’une collaboration entre l’ESA et Roscosmos, ExoMars Trace Gas Orbiter, ou TGO, est en orbite autour de la planète rouge en octobre 2016 après plus d'un an d’ « aerobraking », une technique de freinage atmosphérique nécessaire pour atteindre son orbite scientifique ultime de deux heures à 400 km de la surface de Mars.

L'objectif scientifique de TGO et de sa contribution belge, NOMAD, est d'examiner la composition atmosphérique de Mars avec une précision sans précédent. Sa mission scientifique principale a débuté fin avril 2018 et le hasard a voulu que quelques mois plus tard, en juin, la plus grande tempête de poussière jamais observée sur Mars ait lieu. NOMAD sur TGO a été en mesure de faire des observations uniques dès le début de l’apparition de la tempête et de son développement et a pu surveiller comment l’augmentation de la poussière a affecté la vapeur d’eau dans l’atmosphère.

Plus important encore, pour la première fois, la distribution verticale de l’eau semi-lourde1 (HDO) a été mesurée sur Mars, ce qui est important pour comprendre l'histoire de l'eau sur Mars au fil du temps. On pense que dans son lointain passé Mars était riche en eau, y compris en eau liquide, et l'un des mystères les plus fascinants est de comprendre ce qui est arrivé à cette eau. Les observations de NOMAD contribueront à apporter la réponse à cette interrogation de longue date.

De plus, NOMAD a également recherché du méthane, un composé organique pouvant contenir la clé de la question : « Mars a-t-elle jamais abrité la vie ?». Bien que le méthane ait été détecté à plusieurs reprises par plusieurs missions spatiales et observations depuis la Terre dans le passé, y compris, comme rapporté la semaine passée, par une autre mission de l’ESA à laquelle l'Institut royal d'Aéronomie Spatiale de Belgique a également contribué, d’un pic de méthane survenue en 2013. Cependant, NOMAD et le spectromètre russe ACS, n'ont détecté aucune trace de méthane. Ce résultat est en désaccord avec les précédentes détections car aucun des processus physiques ou chimiques connus ne permet d’expliquer les nouvelles observations. Ceci ajoute encore plus de mystère à l’histoire du méthane sur Mars.

Exploiter la tempête de poussières

Les deux spectromètres embarqués sur TGO - NOMAD et ACS - ont réalisé les premières mesures en occultation solaire à haute résolution de l'atmosphère. En examinant la manière dont la lumière du Soleil est absorbée dans l'atmosphère, NOMAD a pu mesurer la distribution verticale de la vapeur d'eau (H2O) et de l'eau semi-lourde (HDO) d’une altitude proche de la surface martienne jusqu’à plus de 80 km. Les nouveaux résultats suivent l’influence des poussières dans l’atmosphère sur l’eau, ainsi que l’échappement des atomes d’hydrogène vers l’espace.

«Sous les latitudes nord, nous avons vu des nuages de poussière se former à une altitude d’environ 25 à 40 km, et les couches méridionales se déplacera vers des altitudes plus élevées. L’augmentation de la vapeur d’eau dans l’atmosphère, en réaction à l’absorption de la chaleur solaire par cette poussière, a été remarquablement rapide, quelques jours seulement après le début de la tempête, ce qui indique une réaction rapide de l’atmosphère à la tempête de poussière», déclare Ann Carine Vandaele, responsable principale de NOMAD. « Les observations sont cohérentes avec nos modèles de circulation globale. »

Les équipes ont également procédé aux premières observations de la distribution verticale de l’eau semi-lourde simultanément à la vapeur d’eau, fournissant des informations essentielles sur les processus contrôlant la quantité d’atomes d’hydrogène et de deutérium s’échappant dans l’espace. Ann Carine poursuit:

«Pour la première fois, la distribution verticale du rapport deutérium-hydrogène (D/H) a pu être determinée, ce qui est un marqueur important de l'évolution de l'inventaire des eaux sur Mars. Avec cette information, les modèles informatiques peuvent être plus contraints, ce qui améliorera notre compréhension de l'atmosphère de Mars.»

Le mystère du méthane s’épaissit

NOMAD a également commencé des mesures d’autres gaz en traces dans l’atmosphère martienne. Les gaz à l'état de traces occupent moins de 1% du volume de la composition de l'atmosphère et nécessitent des techniques de mesure très précises pour déterminer leurs empreintes chimiques.

Le méthane revêt un intérêt particulier pour les scientifiques qui étudient Mars car, sur Terre, il peut être une signature de la vie, ainsi que des processus géologiques. Comme il peut être détruit par le rayonnement solaire en quelques centaines d’années seulement, toute détection de la molécule aujourd’hui implique que celle-ci doit avoir été libérée relativement récemment - même si le méthane lui-même a été produit il y a des millions ou des milliards d’années et est resté piégé dans des réservoirs souterrains jusqu'à maintenant. De plus, les gaz à l'état de traces sont brassés quotidiennement et de manière efficace près de la surface de la planète. Selon des modèles de circulation des vents globaux, le méthane serait mélangé uniformément sur toute la planète en quelques mois.

La présence de méthane dans l’atmosphère martienne a fait l’objet de vives discussions, car les détections ont été très sporadiques en termes de lieux et de moments. De plus, ces détections se trouvaient souvent à la limite des seuils de détection des instruments.

Frank Daerden, un scientifique spécialiste des instruments, explique:

«Les nouveaux résultats de TGO fournissent l'analyse globale la plus détaillée jamais réalisée, et les mesures NOMAD ont été entièrement prises en charge par l'instrument ACS. Le méthane n'a pas été détecté jusqu'à une limite supérieure de 0,05 ppbv (parties par milliard en volume, soit moins de 50 molécules de méthane par billion (1012) molécules d'air) au cours de sa première année d'observation. Cela signifie tout de même que 500 tonnes de méthane pourraient être émises sur la durée de vie de la molécule, estimée de 300 ans, en considérant uniquement les processus de destruction atmosphérique, mais dispersées dans toute l'atmosphère, ce taux est extrêmement faible, 10 à 100 fois inférieur à toutes les détections. »

«Cela signifie que nous ne comprenons pas les mesures précédentes, et si elles sont correctes, cela implique que le méthane doit être détruit sur Mars par un processus très particulier, encore inconnu.»

 

NOMAD sur Exomars TGO a été conçu, géré et développé en Belgique sous la direction scientifique de l’Institut royal d’Aéronomie Spatiale de Belgique, avec le soutien du Belgian Science Policy Office (BELSPO), avec des partenaires en Espagne, en Italie et au Royaume-Uni, et avec le soutien scientifique des États-Unis, du Canada et du Japon. L'instrument fonctionne comme prévu et a été conçu pour observer l'atmosphère martienne de façon continue pendant plusieurs années.

 

1. L'eau est constituée de deux atomes d'hydrogène et d'un atome d’oxygène : H2O. HDO est une forme d'eau dans laquelle l'un des deux atomes d'hydrogène a été remplacé par une variante plus lourde: l'atome de deutérium.

 

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ExoMars Trace Gas Orbiter analyse l'atmosphère martienne à l'aide de la technique d'occultation solaire. Les spectromètres embarqués - ACS et NOMAD - examinent la manière dont la lumière du soleil est absorbée dans l'atmosphère pour révéler les empreintes de ses ingrédients. Credits: ESA/ATG medialab
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ExoMars Trace Gas Orbiter analyse l'atmosphère martienne à l'aide de la technique d'occultation solaire. Les spectromètres embarqués - ACS et NOMAD - examinent la manière dont la lumière du soleil est absorbée dans l'atmosphère pour révéler les empreintes de ses ingrédients. Credits: ESA/ATG medialab
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La principale mission scientifique de ExoMars Trace Gas Orbiter a débuté fin avril 2018, quelques mois seulement avant le début de la tempête de poussière globale qui a englobé la planète. TGO a suivi l’apparition et le développement de la tempête et a surveillé les effets de l’augmentation de la poussière sur la vapeur d’eau dans l’atmosphère, de la surface martienne à plus de 80 km d’altitude. Credits: ESA; vaisseau spatial: ATG/Medialab; données: A-C Vandaele et al (2019)